Si un écrivain me parle encore de ses angoisses, je l’inviterai désormais à regarder l’excellente série The Bear pour savoir ce que c’est, l’angoisse. Elle se trouve dans les cuisines d’un petit restaurant qui sert des sandwichs à Chicago. Les clients ignorent ou préfèrent ignorer le chaos qui règne de l’autre côté de la porte battante et engloutissent leur commande aussi vite qu’ils l’ont passée, avant de retourner à leur vie qui les attend dehors. Les chefs, eux, n’ont pas d’autre vie que celle de leur cuisine. Ils en rêvent même. La prochaine fois que vous irez au restaurant, redoublez de patience et de gentillesse envers l’équipe.
La littérature étant elle-même une chose fragile, tour à tour flattée et rabaissée par les puissants qui peuvent l’incendier ou la racheter à tout moment (elle ne survit que par son fort pouvoir de dissémination), il était peut-être dans l’ordre des choses qu’elle soit du côté des faibles.
J’y pense en découvrant, médusé, certaines critiques incompréhensibles d’incompréhension du Garçon et le Héron.
In the attempt to own you, genre reviewers will often come on as the superego your work doesn't ask for. Dylan, in similar circumstances & contemptuous of the intrusion, wrote Ballad of a Thin Man, the chorus line of which is still the best response.
J’ai vu hier Le Garçon et le Héron, le dernier film de Hayao Miyazaki, et c’est sublime. Ça m’a donné envie de revoir ses autres films. Par quoi commencer ?
Note : Je l’ai vu en japonais sous-titré français, mais le doublage anglais semble aussi valoir le détour : Robert Pattinson pour le héron, Christian Bale pour le père du garçon, Mark Hamill pour le grand-oncle, Willem Dafoe pour le pélican.
Je tente un nouveau format, plus « miscellanées » qu’essai, avec la dernière lettre du club. Vous me direz ce que vous pensez des « nombreuses transformations de Thom Yorke ».
Moi en ce moment, tout le temps :
Je n’ai pas très envie de rentrer dans la vie.
Malgré leur caractère tangible et fragile, écornable, les livres ne me semblent pas plus inclus dans la réalité que nos rêves ; c’est la réalité qui est circonscrite par nos livres et destinée, comme le souhaitait Mallarmé, à en devenir un.
Hilarious satire of the Radiohead fanclub:
First, dim the lights. No, dimmer. That’s it. Make sure that either it’s raining outside or you’ve got one of those ambient noise apps playing the sound of rain, but like a computerized rain—kind of like if you were taking a shower in the ’90s and logging on to AOL.com at the same time (if you have to ask, just search for fax machine sounds on YouTube). Now, sit in your most uncomfortable chair. This isn’t about comfort, friend. This is about understanding.
L’Autre Monde et celui-ci vont de nouveau se confondre, les morts tituberont parmi les vivants et les vivants, mine de rien, persisteront à se massacrer. La vie n’est pas toujours là où on l’attend.
A very good, unexpected and compassionate ghost story. Highly recommended.
The times ghosts truly scare me aren’t from the shock of a dead face staring up from the bottom of a basement staircase; I’m usually too drunk or high for that, too hyped up on aggression. I’ll simply charge at the thing, running after it into a root cellar or climbing a wooden ladder into an unlit barn attic to chase it away. The sights that genuinely unsettle me, that keep me awake at night, are the weird, demented loops I sometimes catch them in, the bleakness of a ghost’s new existence, the never-ending isolation of the afterlife, empty versions of ourselves stuck in routines that have lost all meaning.
[…]
Looking in the mirror one night, I realized with a shock that I had become as pale, forgotten, and nocturnal as the ghosts I’d spent my life fighting. I was turning into a version of the very thing people hired me to clear.
Le dilemme, en littérature comme ailleurs, n’est pas de savoir s’il faut suivre les règles ou les subvertir, mais de comprendre lesquelles suivre et lesquelles ignorer. Le pire est de jouer selon des règles que l’on ne comprend pas ou qui ne sont pas faites pour soi, ou de croire à une quelconque orthodoxie en la matière. Les règles émanent de la sensibilité qu’elles codifient très souplement.
Souvenirs littéraires
D’où vient que certains écrivains transmettent plus de vie en un paragraphe que d’autres dans toute une œuvre ? Ils savent montrer, réfléchir par images qui sont la vie condensée. Et tant pis si Léon Daudet, dans ce passage de ses Souvenirs littéraires, ne voit pas qu’à un moment, emporté par sa charge contre une nullité, il se contredit : certaines qualités veulent qu’on tolère les défauts qui les favorisent.
René Doumic, cette utilité qui se crut une nécessité, pioche physiquement le genre moyenâgeux. Quelqu’un de bien intentionné a dû lui dire qu’il avait une tête de vitrail. Mais il y a vitrail et vitrail. Celui de Doumic comporte des cheveux aplatis, d’un blond fade grisonnant, couvrant un front inquiet et plissé, au-dessous duquel s’ouvrent deux orbites bleuâtres. On ne distingue pas les regards. Une bouche mauvaise, cachée dans une moustache et une barbe pisseuses, des joues creuses, un corps efflanqué complètent cette silhouette de noyé mondain. Il a trois bouées sur lesquelles il s’appuie : l’Académie, la Revue des Deux Mondes et les Lectures pour tous. Littérairement, c’est le néant. On ne peut citer de lui ni un mot juste, ni une vue originale, ni une ligne en français. Habillé de gros quant au style, il est invisible à un mètre. Il est sans goût, sans odeur et sans forme, mais non sans bile acrimonieuse et envieuse. Elle coule, certainement à son insu, en filets saumâtres et ruisselets jaunâtres, tout autour de lui. On voudrait crier à l’Université sa nourrice : « Emportez-le et changez-le ! Il est trempé. » À la lettre, Doumic pue le fiel.
En cours de lecture : Souvenirs littéraires de Léon Daudet 📚
Voici 9 conseils paradoxaux pour devenir écrivain. Ce sont, dans le désordre, quelques principes essentiels du club d’écriture Contreforme.
When she lifts her arms to yawn
because she is so sleepy she reveals
a belly button
shaped like a coin slot
to a vending machine that dispenses
goodtime
Le passé ne se présente pas comme un fichier informatique, facile à mobiliser, à diriger et à attaquer. On ne peut le perdre, même si, en quelque sorte, nous sommes perdus pour lui ou perdus en lui.
Un mot est plus que sa définition, qui n’est jamais que provisoire. C’est un organisme vivant, aux bords frangés de nuances innombrables, qui se répand à travers différents contextes et usages, les annexant successivement à son métabolisme.
Un membre du club m’apprend l’existence du bel et vieux verbe gambiller, agiter ses jambes en les laissant pendantes, mais aussi en argot danser ou se trémousser sur un rythme vif. À utiliser une fois (pas plus) par livre.
Pourquoi pratique-t-on le dessin ou la photographie en amateur, mais pas l’écriture ? Pourquoi, dès lors qu’on écrit (de la littérature, s’entend), c’est pour avoir son nom sur la couverture d’un livre ?
It takes place aboard the “SSPO Esperanta” – a planetary orbiter that spins around itself at a rate of one revolution per minute (1 RPM). […]
With the “Esperanta” I wanted to create a leisure-like environment, like a hotel or a cruise ship, and explore what the views could be like from inside when it visited some of the worlds in our solar system.
Il faut le désœuvrement des dieux pour être attentif aux remous obscurs de son être et apprendre à les approcher, à les bercer de phrases.