Nous déambulons par les rues, l’un près de l’autre, mais très séparément.

André Breton, Nadja.

All autobiographers are ghostwriters, in that they have to distance themselves from the subject matter to be able to write it at all. If they don’t distance themselves, time will do it for them.

Humilité épistémologique

… tous les mouvements ou moments artistiques ont besoin d’un credo : L’Art poétique d’Horace, La Défence de la poésie de sir Philip Sidney, le « Manifeste surréaliste » d’André Breton, le « Vœu de chasteté » du Dogme95. Mon intention est d’écrire l’art poétique d’un groupe émergent d’artistes interconnectés…

Le problème de la plupart des manifestes est qu’ils manquent souvent d’humilité épistémologique. La vérité est plus banale et effrayante : personne ne sait comment faire, et il n’y a pas qu’une manière de faire. Reconnaître cela, c’est éviter les biais de sélection dans sa réflexion.

Toujours en train de lire Besoin de réel de David Shields 📚

L’écriture servit d’abord à dresser des listes et à tenir des comptes.

Certes, David Shields, mais la littérature n’est pas l’écriture. Et votre « Je n’ai pas besoin de dire quoi que ce soit » ne suffit pas à transformer vos notes en littérature. Mais continuons de lire…

Besoin de réel de David Shields 📚

Je ne retrancherais qu’une phrase de La Vraie Vie de Sebastian Knight, une muflerie du narrateur (de Nabokov ?) au sujet de l’ex-fiancée de son frère, la seule indélicatesse dans ce livre pourtant si délicat et comme dentelé de tact sur l’impénétrable solitude d’un être, de tout être. De Gatsby le magnifique, dont je parlais la semaine dernière, je n’ôterais, mais avec quelle impudence, qu’un seul bout de phrase – enfin, deux, mais ce sont quasiment les mêmes.

Une nuit à vous

Quand le crépuscule enchanté tombait sur la métropole, j’éprouvais parfois une solitude poignante, et je l’éprouvais chez d’autres – chez de jeunes employés pauvres qui s’attardaient devant des vitrines en attendant l’heure d’aller dîner seuls au restaurant, de jeunes employés à la tombée du jour, gâchant les moments les plus émouvants de la nuit et de la vie.

F. Scott Fitzgerald, Gatsby le magnifique.

Déjeunez à midi, couchez-vous à neuf heures… et jamais vous n’aurez une nuit à vous… jamais vous ne saurez qu’il y a un moment, comme la mer s’arrête de descendre et reste, un temps, étale, avant de remonter, où la nuit et le jour se mêlent et se fondent, et forment une barre de fièvre pareille à celle que font les fleuves à la rencontre de l’océan.

Boris Vian, L’Herbe rouge.

With the discovery of God on the far side of the Moon, and the subsequent gigantic and hazardous towing operation that brought Him back to start His reign anew, there began on Earth, as one might assume, a period of far-reaching change.

Currently reading: Settling the World by M. John Harrison 📚

Dernièrement, Life, Life (async) de Ryuichi Sakamoto.

Everywhere else, the invisible armies of night were assembling, massing against the houses, collecting in blacker blackness beneath the black trees.

Currently reading: Machines in the Head by Anna Kavan 📚

J’ai parfois l’impression que tous mes problèmes seraient résolus par l’achat d’une nouvelle police de caractères. Sans doute pas.

Dans Je suis une légende (The Last Man on Earth, 1964 – film complet disponible gratuitement sur YouTube), dont je vous parlais l’autre jour, les vampires ne redoutent pas les miroirs non pas parce que leur reflet absent révèle leur absence d’humanité, mais parce qu’ils leur renvoient l’image de leur propre déchéance. Toute métaphore réussie, écrit Susan Sontag dans « La maladie comme métaphore », est « assez riche pour permettre deux applications totalement opposées ». Un symbole n’est pas une allégorie réduite à un sens univoque, mais contient tout un monde d’interprétations.

… there’s no need to give up on the imaginative novel; we just need to hope for better examples.

Joan Didion, dans son essai sur l’estime de soi (« On Self-Respect », in Slouching Toward Bethlehem), offre une perspective fascinante sur un personnage secondaire et l’un de mes préférés de Gatsby le magnifique : Jordan Baker, la meilleure amie de Daisy Buchanan – confidente, entremetteuse, joueuse de golf professionnelle et menteuse invétérée. L’héroïne de votre prochaine histoire.

En écrivant, en écoutant ça, je rêvasse de conduire une décapotable le long de la côte à Big Sur, puis retourne à ma lettre.

Dix ans après l’achat du premier, j’ai dû commander un nouveau Kindle. (Je ne l’aime toujours pas, mais c’est pratique pour lire des livres étrangers que je ne trouve pas en France.) La précédent ne pouvait plus se connecter à Amazon, mais c’est surtout à cause de sa batterie, depuis longtemps moribonde, que je me suis décidé. J’ai alors découvert ou redécouvert que, pour économiser dix euros, je pouvais recevoir (dès le lendemain !) un Kindle avec… des pubs. Celui sans pubs souffrait bien sûr d’un délai de livraison de plusieurs semaines. J’ai attendu.

Je ne pourrais jamais aller dans un pays sans avoir vu au préalable des films tournés sur place. C’est très souvent par le cinéma que me vient l’envie de voyager, moi qui n’aime pas me déplacer. Le souvenir de certains films suffit à habiller des lieux qui autrement seraient moins intéressants, plus réels. Je ne serai jamais un pionnier.

Je suis retombé sur cet article de Tony Zhou (Every Frame a Painting sur YouTube) où il démontre pourquoi le scénario de The Force Awakens ne fonctionne pas : il raconte deux histoires au lieu d’une. Je suis assez d’accord avec lui. Sa solution ? Retirer Han Solo du film et il fonctionne(rait).

Je ne sais plus où j’ai lu ça (peut-être dans Positif), mais je suis assez d’accord avec l’idée que John Carpenter n’a cessé, tout au long de sa carrière, de raconter l’histoire de communautés en état de siège.

Charles « Harmonica » Bronson révèle au Cheyenne qu’il a tué trois hommes portant les mêmes cache-poussière que les siens. Je me suis rappelé ce passage d’Il était une fois dans l’Ouest pour conseiller un romancier : une scène où l’on découvre deux corps nécessitait la même progression/accumulation de tension.

J’ai préféré la première adaptation au cinéma, datant de 1964, du roman de Richard Matheson Je suis une légende. La version avec Will Smith (2007) est certes plus efficace sur le plan dramatique (et le chien est attachant, ouaf !), mais gâtée par le (très peu subtil) thème religieux du sauveur, absent du premier film. Celui-ci, préfigurant La Nuit des morts-vivants qui sortira 4 ans plus tard, est beaucoup plus sombre et pessimiste : l’anomalie n’est plus l’humanité transformée par un virus, mais le seul survivant immunisé, la légende éponyme. L’utilisation d’images de synthèse pour les vampires/zombies a par ailleurs instantanément vieilli le film de 2007.